Les ingrédients
d'une bonne entente
Pour partir sur de bonnes bases, mieux vaut parfois mettre les choses au clair
En toute amitié
“ Alors par contre on a un petit budget..."
"...mais si vous nous le faites gratuit ça vous fera de la visibilité, de toute façon vous êtes une passionnée, pas vrai ?"
Le pourquoi du comment des tarifs des freelances
Si vous vous posez des questions sur les prix appliqués par les créatifs freelances, je vous encourage très fortement à lire cet article très bien écrit du site « Kit de survie du créatif » qui vous éclairera bien mieux que moi :
En résumé
Un freelance, c’est une entreprise d’une seule personne. Donc, comme un patron sans salariés, et pas comme un salarié sans patron. Autrement dit, il ne peut pas être payé le prix d’un salarié, car il a les contraintes et les obligations d’un patron. N’essayez donc pas d’estimer vous-même le coût d’une prestation, vous oublieriez à coup sûr la moitié des données qui rentrent en jeu !
Comme dans tout secteur d’activité, il y a des règles pour que tout le monde ait sa place, et éviter la concurrence déloyale. Pour établir un devis, le freelance ne lance pas un caillou sur un damier pour choisir son prix. Il établit un tarif/jour, le minimum sans quoi il ne pourrait pas vivre de son activité. On est à minimum 250/300€ HT par jour pour un débutant sans expérience ni référence, et à 450/600€ par jour pour des freelances très expérimentés. Mais les prix varient aussi selon le lieu puisqu’à Paris non seulement la concurrence est rude mais la vie est plus chère qu’à la campagne.
Il faut tenir compte de plusieurs paramètres pour comprendre ces tarifs :
Petit 1 : Nous sommes DISPONIBLES !
C’est un fait, nous sommes à la disposition du client (on travaille quand il nous donne du travail, on ne travaille plus quand il n’a plus besoin de nous, et donc nous ne gagnons plus rien une fois le travail accompli). Nous n’avons ni congés payés, ni assurance chômage, ni indemnités de licenciement, aucune prime de précarité, contrairement aux salariés. Il faut admettre que cela fait une certaine différence. Tous les petits breaks, les journées de repos, les vacances, ou même juste le creux entre deux contrats, nous le payons nous-mêmes. Donc, il faut avoir de l’argent d’avance pour survivre (ou juste vivre, en fait), dans ces moments sans revenus.
Et si vous vous dites « dans ce cas ils n’ont qu’à travailler en agence », cela ne ferait pas non plus votre affaire car une agence dotée de plusieurs salariés aura encore plus de charges à assumer et donc des tarifs similaires et souvent plus élevés que nous autres freelances.
Moi, j’ai besoin de vivre en sachant que j’ai les moyens de me loger et de manger, et vous, vous avez besoin d’une prestation la moins chère possible. Vous ne trouverez pas moins cher ni plus pratique qu’un freelance, a priori.
Petit 2 : Vous ne pensez payer que la partie émergée de l'iceberg (désolée pour la désillusion...)
Puisqu’une seule personne gère l’entreprise toute entière, quand elle réalise les taches obligatoires telles que la préparation du devis, la compta, la veille créative, la communication, la prospection ou la formation, elle ne peut pas travailler en même temps pour être rémunérée. Donc tout ce temps-là, pourtant incompressible, est gratuit, et il faut le compenser aussi. Ah ! Si on pouvait se dédoubler pour passer notre journée à travailler plutôt qu’à faire la paperasse, croyez bien que nous le ferions ! Oui mais les robots n’en sont pas encore là, alors en attendant… faut bien remplir son estomac.
Pour vous donner une idée, sur 365 jours (donc une année), un freelance qui travaille à plein temps, qui est bien installé et qui ne manque pas de commandes, ne facture dans les faits que 120 à 150 jours par an en moyenne.
Ce travail quotidien non rémunéré que nous faisons vous bénéficie toujours, il fait partie du service rendu : des idées nouvelles, des techniques innovantes, les démarches administratives sans lesquelles nous ne pourrions même pas vous proposer nos services, tout cela est aussi une partie du travail que nous faisons pour vous ! Mais personne n’y pense.
Petit 3 : Nous sommes une entreprise... et nous avons aussi des charges !
Comme si ça ne suffisait pas déjà, nous avons, en plus, les charges qu’ont toutes les entreprises : les cotisations sociales, la retraite, les assurances, et puis aussi parfois des frais médicaux… sans compter les frais professionnels (le matériel, les licences de logiciels – très, très chers, mais pas toujours remplaçables par de l’open-source hélas !), parfois un local et du mobilier, l’électricité, le téléphone, la connexion internet, ou encore le transport etc… Eh oui, ça en fait, quand on compte ! Une entreprise paye tout cela aussi pour ses salariés, d’ailleurs le coût du salarié est en fait bien plus élevé que sa seule fiche de paye, mais de fait on ne peut pas comparer le tarif d’un freelance à la fiche de paye d’un salarié. Si vous ne voulez pas l’admettre, c’est parce que ça vous embête bien, mais ça ne change rien.
Petit 4 : Une entreprise, ça fait du bénéfice. Sinon ça coule façon Titanic.
Oui parce qu’en fait, on n’est pas là pour trimer tous les jours (même si certains pensent que le graphisme et la vidéo, ce n’est pas travailler, ceux-là ne verrons jamais la couleur de mes devis d’ailleurs), mais pour vivre (et pas « survivre ») et avoir aussi une vie à côté, et même, allez soyons fous, développer notre activité ! Pour ça, il faut donc avoir suffisamment de bénéfice pour réinvestir cet argent dans du matériel, pour vous proposer des prestations différentes, meilleures, ou justes aussi bonnes parce que le matériel, ça s’use.
Conclusiiiiiion
Donc, si vous avez bien lu et n’êtes pas de mauvaise foi, vous comprendrez que nous faisons nos tarifs non pas parce que nous sommes gourmands et qu’on s’en « met plein les poches », mais parce qu’en fait si nous faisons moins cher, on ne mange que des pâtes (oui c’est bon les pâtes mais pas tous les jours) et on fait faillite.
Vous avez déjà fait faillite, vous ? C’était comment ?
Concrètement...
Imaginons que je gagne 2000€ par mois. J’enlève alors environ 25% de charges puisque je suis auto-entrepreneur, et 20 à 35% de frais professionnels (c’est pas parce que je travaille chez moi que je n’en ai pas, et ce sont les chiffres que les impôts prennent pour référence pour calculer l’abattement du régime micro). Il reste environ 975€ déjà ! C’est moins que le SMIC net. Et je n’ai même pas parlé de congés payés, ni de rien du tout ! Pas de RTT, pas de chômage, et tout ce que j’ai déjà mentionné tout à l’heure. Avec 2000€ par mois, je n’en ai pas plein les poches. J’ai 975€ pour payer un loyer, à manger, de l’essence, et tout ce dont on a besoin pour vivre quotidiennement.
Accepteriez vous de travailler tous les jours pour cette somme ?
Ah, la passion...
Vous noterez que l’existence même du « Kit de survie du créatif » est un symptôme criant de la difficulté qu’ont les freelances à survivre dans ce monde où beaucoup considèrent que ce qui est artistique ne mérite pas d’être rémunéré comme n’importe quel autre métier. Pourtant, je vous assure que les études pour en arriver là étaient presque aussi intenses qu’une école prépa !! C’est qu’on doit bien avoir des choses à y apprendre, vous ne croyez pas ?
Ce que nous faisons est souvent associé à « la passion ». Mais aussi plaisant soit un métier, ça reste une profession qui a aussi pour but de nous faire vivre, et on a le même estomac que vous a priori !
Mais si vous voulez que je fasse les choses gratuitement… trouvez-moi un mécène qui me paie tous les mois pour le plaisir et sans contrepartie, et on en reparle !
Si on disait aux maçons ce qu'on dit aux créatifs...
A votre avis, à quoi ressembleraient les situations que rencontrent les graphistes et les illustrateurs, s’ils étaient maçons? Un artiste s’est mis au défi de mettre en scène les situations qu’il rencontre au quotidien pour mettre en évidence leur absurdité, et ça donne ça : https://monmacon.tumblr.com/
Ça remet aussi les points sur les i, avec humour, et ça ne fait pas de mal !